Sauver le soldat Bourse ! Un impératif dans le nouveau modèle de développement du pays

Hier encore, nous étions abreuvés de symboles comme « l’émergence à notre porte », de comparatifs avec la bourse sud-africaine, de rankings et d’awards laissant rêveur…

De notre présence dans ces indices mondiaux il y a plus de 10 ans qu’en reste-t-il aujourd’hui ?

Triste constat, tant sur la forme que sur le fond.

Sur la forme

• Les opérateurs boursiers paraissent bien orphelins après le rêve en 1994 (année de réforme de la bourse de Casablanca) et l’euphorie des années 2000. Ils enregistrent pertes après pertes coincés dans un modèle de fonctionnement imposé devenu inadapté

• Les dits « petits porteurs » pansent leurs plaies au mieu jurant qu’on ne les y reprendra plus

• Les « Zinzin » deviennent de plus en plus absents. Désabusés par les pertes enregistrées, ils se retrouvent obligés d’investir le minimum sur des valeurs phares abandonnant ainsi les autres titres à leur triste sort. Devons-nous leur en vouloir ?

• Le régulateur parait quant à lui incapable de renverser la donne. Focalisé sur ses prérogatives légales, il peine à réanimer le marché

Sur le fond

Les différentes initiatives des responsables publics ces dernières années (changement de gouvernance de la bourse de Casablanca, introduction de nouvelles actions…) avaient pour objectif de donner un nouveau souffle à cet élément primordial qu’est une bourse des valeurs pour un pays en développement comme le Maroc et cherchant à construire un hub financier régional.

Mais avec du recul, le changement parait symptomatique. Inachevé, il a – par l’effet d’attente créée – certainement aggravé la maladie.

Et Maroc Télécom me diriez-vous ?

L’opération Maroc Télécom de cette année semble répondre plus à une nécessité budgétaire qu’une action structurelle ou une stratégie visionnaire.
D’ailleurs, on ne peut certainement pas conclure – au vu de la structure de l’offre – que les forces de marché se soient librement exprimées à travers cette opération qui est plus du ressort du placement prive d’actions cotées.

Alors, la bourse de Casablanca serait-elle en état de mort clinique ? Mort qui ne serait dissimulée que par les Allers/Retours de fin d’années des investisseurs institutionnels ?

Graphique : évolution de la capitalisation et des volumes échangés à la bourse de Casablanca

L’effondrement des volumes échangés dans un marché « artificiellement » survalorisé pourrait le confirmer.
La raison a envie de répondre par le positif, l’instinct se bat pour maintenir de l’espoir.

Il faut réagir et réagir fortement et urgemment

Le « nouveau modèle de développement » souhaité face à une économie qui produit aujourd’hui du chômage et des inégalités a besoin de mobiliser tous les ingrédients productifs et relancer en particulier l’investissement.

Cette relance passe forcément par une mobilisation de l’épargne disponible à travers des supports attractifs et pas seulement les obligations d’état qui portent en eux le risque d’une éviction dont on paie déjà les conséquences chèrement.

Dans ce cadre, le comportement des institutionnels et en particuliers assureurs devrait évoluer. Leur position défensive pourrait être compréhensible sur un laps de temps limité mais ils se doivent de réagir. Leurs réserves – nos retraites, notre épargne et donc la retraite de millions de marocains – se doivent d’être un minimum liquides et rentables et doivent ainsi être investies en (bonne) partie dans une bourse dynamique produisant du rendement.
Oui, l’assurance est une source de financement stable pour les marchés financiers et pour l’économie. Elle favorise le crédit et l’investissement dans une perspective de long terme. Les compagnies d’assurance sont bien plus « tournées vers l’avenir » que les autres institutions financières comme les banques par exemple.
Dans les pays développés, les fonds gérés par les assureurs représentent plus du quart du montant total des actifs gérés par les institutionnels, soit plus de 15.000 milliards de dollars. Chez nous les proportions sont surement très proches.

Ainsi, de par (i) leur besoin de rendement et de liquide ainsi que (ii) leur prépondérance dans les places financières, les compagnies d’assurance sont un acteur central des marchés boursiers et dans notre pays, elles se doivent de réagir.

A défaut d’une impulsion gouvernementale, les compagnies d’assurance doivent se mobiliser pour ne pas piéger leur futur et notre futur à tous. Elles se doivent de débloquer le système qui porte en lui des périls majeurs pour l’économie et ses agents.

Leur force et leur responsabilité permettra d’ailleurs de dépasser le stade du constat et les réunions de « groupe » admettant l’urgence de la chose. Leur conscience individuelle face au péril et leur force de lobbying auprès des décisionnaires sont telles qu’elles sont capables de trouver les bons remèdes et surtout comment les administrer.

Certes, le chantier est vaste et la responsabilité est lourde surtout s’il faut agir sur des aberrations de valorisation mais il n’existe à ce stade aucune autre manière.

Toutes les assises et tous les road shows du monde n’y feront rien si les premiers concernés ne prennent pas la main.